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Mercredi 8 mars 2024
« L'engagement et la compétence ne sont pas genrés »

Échanges à bâtons rompus avec trois élues de Démocratie 44. De la loi sur la parité à la formule de l’ancienne Première ministre « L’avenir vous appartient », Catherine Ciron, Christiane Van Goethem et Sylvie Goslin ont débattu sur leur vie d’élue.

« Nous devons être à l’aise avec ce que nous sommes » 

Catherine Ciron : Je me sens libre et légitime dans mes mandats. Je n’ai pas eu besoin personnellement de la loi sur la parité. Après, le problème est réel. Oui, la politique a parfois changé le regard de certains hommes mais nous devons être à l’aise avec ce que nous sommes ! 

Christiane Van Gœthem : En 2001, la loi a permis que les femmes s’engagent. Les hommes ne nous regardaient pas forcément d’un très bon œil. Quelque part, on prenait leur place ! On avait le droit de parler mais il fallait quand même se faire entendre. Ce n’était pas facile, quand j’ai commencé, de prendre la parole en Conseil municipal. 

Sylvie Goslin : Je le ressens parfois en réunion. Obtenir une crédibilité et une légitimité a été compliqué au départ. Je suis impliquée depuis que j’ai 17 ans. Gatien Meunier m’a mis le pied à l’étrier. Il m’a emmenée voir Olivier Guichard, le seul politique que je connaissais. J’étais très jeune, Gatien est mon mentor. 

Catherine Ciron : J’ai été contactée après avoir gagné un concours dans mon lycée autour de L’Odyssée sibérienne de Nicolas Vanier. Je suis allée à Moscou avec 32 élèves pour l’accueillir sur la Place Rouge. J’ai toujours été engagée. Monsieur Hunault m’a proposée d’être sur sa liste des municipales en 2008. J’ai accepté tout de suite car tout me passionne, je suis extrêmement curieuse. 

Christiane Van Gœthem : Le Maire de l’époque m’a appelé car il peinait à recruter des femmes. Je l’ai bien compris lors de la première réunion. Il m’a rappelée plusieurs fois. « Fonce, je suis sûr que ça te plaira » me répétait mon compagnon. Je l’ai écouté et je ne regrette pas mon engagement ! 

« La loi a libéré les énergies » 

Sylvie Goslin : La contrainte de la parité a facilité notre engagement mais ce ne doit pas être un critère. Au quotidien, mais c’est valable dans le monde de l’entreprise, on doit se battre un peu plus parfois. Le monde a bien changé aujourd’hui, il faut le reconnaître.

Christiane Van Gœthem : J’ai simplement demandé si cela prenait beaucoup de temps. « Non c’est un peu comme dans une asso ». Ne jamais croire les hommes (hilare) ! C’est un milieu de cause à effet et c'est effectivement très énergivore.

Catherine Ciron : Pour moi, l’engagement n’est pas genré. Je ne me suis jamais sentie inférieure et j’ai toujours travaillé avec des hommes intelligents. J’ai une grande liberté dans ma fonction d’élue avec Alain Hunault. J’ai tout appris avec lui. 

Christiane Van Gœthem : Il fallait se faire entendre au début, crier un peu plus fort. La loi a libéré les énergies. 

« J’arrête tout » 

Christiane Van Gœthem : Au début de mon premier mandat, j’ai été touché dans mon amour propre.J’étais dans tous mes états après une réunion difficile. Je suis rentrée chez moi, j’ai dit « j’arrête tout ». Après une nuit de sommeil, j'ai compris qu'il ne fallait rien lâcher ! 

Catherine Ciron : Je garde des souvenirs forts de la première élection. Les gens se sont déplacés, ils ont mis mon nom dans l’urne. C’était extraordinaire. Je leur suis redevable. Le plus difficile, c’est d’annoncer la mort, parfois en pleine nuit. On n’est jamais préparé à cela. Quand on sonne à la porte, les gens comprennent tout de suite qu’il s’est passé quelque chose de très grave. 

Christiane Van Gœthem : J’adore les campagnes, discuter avec les gens, sonner aux portes. J’aime moins les marchés, les gens viennent faire leurs courses, ce n’est pas le bon endroit, le bon moment. Maintenant, je prends du plaisir à accompagner les nouveaux élus avec des petits « tutos » : comment aborder, comment répondre, le tout toujours avec le sourire ! 

Sylvie Goslin : On peut aussi connaître l’injustice dans sa commune de cœur. J’ai eu le retour de la médaille d’être une « élue du peuple ». Je me suis sentie trahie entre les deux tours de la dernière élection municipale. 

Christiane Van Gœthem : Entre 2001 et 2024, j’ai vite compris l’importance des réseaux sociaux et leur dangereuse viralité. Je l’ai appris à mes dépens. C'est malheureusement quelquefois un "défouloir". 

Sylvie Goslin : Il n’y a pas besoin de X (ex-Twitter) pour désinformer. Je l’ai vécu en direct lors des dernières municipales. Les gens sont prêts à tout maintenant. Ils oublient souvent que nous avons aussi une famille, des enfants. On veut crier à l’injustice et tout plaquer. Mais on a ça chevillé au corps. 

« Gratifiant sur le terrain, frustrant en session et dans les commissions » 

Catherine Ciron : Dans l’hémicycle, il y a la posture qui n’existe pas sur le terrain. Avec la Mairie on est dans la vraie vie, chaque jour. Nous avons des prismes différents avec la majorité départementale mais ils écoutent. Je fais passer des messages jamais de manière frontale. 

Sylvie Goslin : Chaque territoire a son histoire. Parfois on se demande à quoi nous servons car être majoritaire sur son territoire et minoritaire en session est assez paradoxal et surtout incompréhensible pour les électeurs. Nous sommes légitimes sur nos cantons mais moi clairement, toutes mes demandes sont refusées. C’est gratififiant sur le terrain, frustrant au Département. 

Christiane Van Gœthem : À quoi on sert ? C’est une vraie question. On n’a pas les rênes au Département. On subit les évènements. Un jour, Jean-Michel Brard, lors d’une réunion avec les habitants expliquait « C’est le Département qui gère l’installation de la fibre. Voyez avec notre Conseillère départementale mais ce n’est pas de sa faute. Vous ne pouvez pas lui en vouloir, elle n’a pas la main. » 

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